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Extraits de la correspondance de Lucien Beille à Albert Sallet
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Docteur L. Beille
Professeur à la Faculté de Médecine et de Pharmacie
28 rue Théodore Ducros
Bordeaux – 14/12/1926
Mon cher ami,
… /…Je réponds aux questions de votre lettre.
Pourquoi ne mettriez-vous pas en titre :
Titre général : Officine Sino-Annamite (La suite du titre “en Annam” me paraît superflu).
I – Le Médecin annamite
Soigneurs et préparateurs de remèdes
II – les cures végétales, ou bien : les plantes qui guérissent
Herbiers. Votre herbier de fougères est au Muséum ( service de Lecomte) ; je suis allé à Paris en mars dernier. Je lui ai montré la lettre du prince Roland (Bonaparte, voir sa correspondance – ndlr). Je lui ai donné vos lettres et j’ai demandé votre herbier. On m’a dit qu’il fallait trier, classer 2000 à 3000 cartons et dès qu’on les aurait on avertirait…. J’espère toujours qu’on finira par retrouver votre herbier et je vous le renverrai.
… /…
Pour la conservation des balanophorées, je vous conseille d’employer les liquides suivants que nous avons adoptés ici : formol à 40°, 40 g. – Glycérine 30 g. – nitrate de potasse 4 g. – Eau, 9 pour 1000
Je suis très heureux que vous soyez chargé de l’étude de la Pharmacopée SINO-ANNAMITE. Connaissez-vous le livre de Perrault à ce sujet ? Vous y trouverez peut-être de bons tuyaux, mais peut-être aussi pas mal de lacunes. Votre programme me paraît tout à fait bien et pour ma part je ferai mon possible pour vous seconder. Surtout s’ il n’y a pas trop de chimie car nous sommes d’une pauvreté !!!!
Je travaille toujours d’arrache-pied à mon Tome II, j’en modifie profondément la forme et cela m’entraîne très loin. Beaucoup de morphologie, moins de matière médicale qui fait l’objet d’un autre volume publié par un collègue de Lyon. Je ne vous dis donc pas que je suis très pressé vous le savez……
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Bordeaux, le ? 1929
Mon cher ami, bien reçu votre bonne lettre du 16 avril qui m’accable (comme toujours) de reproches on ne peut plus justifiés. Mais qu’y faire ! Je n’en puis plus. J’ai décidé d’en finir avec mon deuxième volume et je laisse tout pour ne m’occuper que de ce livre qui m’a pris 100 fois plus de temps que je ne pensais y consacrer.
Tout cela par ce que depuis la guerre, nous n’avons plus de moyens et qu’il faut fouiller partout, pour avoir les documents nouveaux et encore on n’y arrive pas toujours. J’ai voulu commencer voir mon travail à un point de vue morphologique …cela vous intéressera j’en suis sûr mais combien c’est difficile pour l’auteur.
J’ai trouvé tout de même un moment pour parcourir les prêles d’Indochine, les eupatoires et les plantes de l’herbier indochinois.
Savez-vous que vous êtes terriblement documenté sur les us et coutumes et sur les usages médicamenteux de ces petites herbes. Vous faites là œuvre utile pour tous et il est désirable que vous la meniez à bonne fin ; mais il vous faudra encore beaucoup de temps. Il est évident que parmi cet ensemble de faits et d’observations recueillis patiemment et pour ainsi dire au jour le jour, il y en a de valeurs très différentes, mais il est indéniable que l’emploi d’un même médicament pendant des générations ne repose pas tout à fait sûre une fable, mais sur des observations et sur des constatations précise qu’il s’agit de savoir analyser.
Vous êtes on ne peut mieux placé pour cela et puis surtout vous êtes armés. Vous ne pourriez jamais écrire ces notes si vous ne saviez pas l’annamite. Aussi mon ami je ne puis que vous dire bravo ! Et vous souhaiter de mener ce gros travail à bonne fin.
J’ai connu jadis un élève de l’école de santé qui s’appelait Lasnet, n’est-ce pas le médecin inspecteur général dans vos me parlez ?
Ici train-train habituel. Je travaille six jours d’arrache-pied au laboratoire ; je consacre le septième à notre petit coin de campagne et j’y fait du sport cultural.
En attendant la retraite (encore 48 mois !) je suis de plus en plus dégoûté de ce que je vois et de ce que j’entends, j’aspire au repos c’est-à-dire à la facilité de rester chez moi et d’employer mon temps comme il me plaira.
Notre jeune exploratrice est revenue enchantée de son voyage en Algérie, navrée seulement de n’avoir vu ni le désert, ni les lions, ni même les chameaux !
Elle a l’humeur voyageuse et je me demande si un jour ou l’autre, elle ne voudra pas voir l’Indochine. Les tigres et surtout les braves gens c’est-à-dire nos bons amis de Tourane. En attendant nous savons bien que nos chères petites nièces sont à Toulouse mais nous ignorons leur tête et nous serions bien heureux de les voir à Bordeaux
Espérons que ce sera bientôt.
Sur ce, mon bon ami, je boucle ma serviette je file au laboratoire continuer la dernière revisite du manuscrit. J’en suis à la page 270…
Souhaitez-moi bon courage. Il m’en faut. Sur ce, mês meilleurs hommages à madame Sallet et je vous embrasse.
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