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Extraits inédits de la correspondance entre Gaston Astre et Albert Sallet
Astre, Gaston-Prosper (1896-1975)
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Chalet des Neiges
Bagnères-de-Luchon, 9 av. de Vénasque
Le 23 Septembre 1938
Mon cher Docteur,
Merci pour la bonne nouvelle que vous m’adressez par votre aimable lettre d’avant-hier et qui ne laisse pas indifférent le budjet de notre Société d’Histoire naturelle de Toulouse.
Et surtout félicitations pour votre opiniâtreté qui a valu un tel résultat. Je sais par expérience combien il faut talonner nos édiles pour obtenir quoi que ce soit.
Vous n’avez qu’à conserver le mandat jusqu’à la rentrée. S’il est établi au nom de la Société et non au vôtre, nous le remettrons à M. Bonnet qui détient en sa qualité de Trésorier la pièce de Société délivrée par la Préfecture et qui pourra donc en toucher le montant sans difficulté.
Nous rentrons d’ailleurs à Toulouse après-demain dimanche dans l’après-midi. J’aurai donc la semaine prochaine le plaisir d’aller vous voir et vous redire mes amitiés de vive voix. En ce qui concerne le congrès d’Arcachon, inutile de vous frapper. Il n’est pas du tout nécessaire que notre Société y soit représentée.
Laissez-moi vous remercier de l’intérêt que vous portez à mon pied droit. Il va incomparablement mieux. Maintenant je marche, mais uniquement en plaine, et ne peux encore faire de courses excédant quatre ou cinq kilomètres. Mon accident m’aura donc immobilisé deux longs mois. C’est regrettable, car je m’étais précisément proposé ces vacances de faire des recherches sérieuses en haute montagne, dans la région du Hourgade et d’Arouges.
Vous devez certainement avoir dans votre répertoire folklorique chame, annamite ou chinois un proverbe proclamant qu’il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher. C’est le cas de l’appliquer.
J’espère que votre famille est en excellente santé et que vous avez de bonnes nouvelles de ceux de ses membres qui partirent pour l’Extrême-Orient un peu avant le début des vacances.
Laissez-moi vous redire toute ma sympathique amitié.
Votre main, que Je la serre bien fort.
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Gaston Astre
Au Docteur Albert Sallet
Le 23 Septembre 1938
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L’Orientaliste
L’étude des herbiers et des drogues chinoises
Lui montra ce qu’en font bonzes ou médecins,
Maniant les vertus du corail, des oursins,
La flore guérissante et les senteurs sournoises.
A sa lucidité les dragons s’apprivoisent.
Monstres flambants, fantômes gris, démons malsains
Par la tradition livrent leurs noirs desseins :
Il connaît les esprits aux malices narquoises.
Des figuiers enlaceurs, lianes de l’Annam,
Il sauva maints témoins perdus de l’art thiam
Et les divinités d’un culte çivahite.
En merci, du Bouddha la Sagesse sans fin
L’effleura de la douce ironie au sens fin
Dont s’estompe son franc regard de jadéîte.
Gaston Astre
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CHALET DES NEIGES
Bagnères-de-Luchon, 9 av. de Vénasque
9 Septembre 1941
Mon cher Docteur,
Voici venir le temps ou nous allons rentrer à Toulouse et où je pourrai reprendre avec vous le cours de conversations, toujours pour moi si agréables.
Les sujets ne manqueront certainement pas. Mes occupations dites de vacances suffiront à alimenter nos causeries ; car vous devez bien penser qu’on ne m’a pas laissé tranquille ; et je sais de moins en moins pourquoi c’est moi que l’on vient toujours chercher pour toutes sortes de questions.
La Société Julien Sacaze, dont on a fait de moi le président, a sérieusement pris mon temps ; mais je suis arrivé a des résultats dont les Luchonnais eux mêmes ne reviennent pas : avoir fait leur union et les avoir fait travailler.
Il m’a fallu prendre sérieusement en mains la question du Musée et surtout celle de l’aménagement du second étage pour les collections des vieilles industries et du folklore luchonnais qui seront vraiment intéressantes.
Inutile de vous dire que c’est moi qui ai trouvé la quasi totalité des rapporteurs pour le Congrès de la Fédération pyrénéenne d’économie montagnards, qui va se tenir ici dans quelques jours,…et cela sans préjudice de quelques organisations matérielles.
Dois-je ajouter que hier soir s’est fondée la Conférence de Saint-Vincent de Paul de Luchon, à l’organisation de laquelle je travaillais depuis quelques semaines ?
Permettez-moi de ne pas vous en dire plus. Vous savez par vous mêmes qu’il y en a certains qui sont faits pour servir.
Mais parlons d’autre chose, qui vous intéressera davantage. J’ai découvert dans le val de Burbe un gros bloc mégalithique, où la roche présente une enclave en forme d’oiseau, lusus naturae qui a été accentué par un sillon périphérique creusé de main d’homme. C’est le style des pierres a cupules, pierres divinisées etc, qui peuvent remonter ici de l’âge du bronze.
Nous en recauserons; mais il est probable que, si le bloc pouvait parler, il nous narrerait un fort joli folklore.
Dans l’attente de nos instructifs bavardages à son sujet, je vous prie, mon cher Docteur, de présenter mes hommages a votre famille et d’agréer pour vous le nouveau témoignage de ma franche amitié.
Gastron Astre
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